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Du personnel au transpersonnel…

 

" D’où vient le mot «transpersonnel» ? Que signifie-t-il exactement ? Qu’entend-on par «état de conscience modifiée» ? Le «développement personnel» est-il toujours d’orientation transpersonnelle ? Comment situer l’un par rapport à l’autre ? 

D’où vient le mot «transpersonnel» ? Que signifie-t-il exactement ? Qu’entend-on par «état de conscience modifiée» ? Le «développement personnel» est-il toujours d’orientation transpersonnelle ? Comment situer l’un par rapport à l’autre ? 

 

L’être humain est composé de différents besoins, allant du plus basique au plus transcendant. En mettant à jour le besoin de transcendance de l’être humain, le psychologue Abram Maslow a jeté les bases de la psychologie dite «humaniste» [dont une autre figure de proue est Carl Rogers, et sa «relation d’aide centrée sur le client»], et de la psychologie transpersonnelle dont il fonda l’association en 1969.

 

La pyramide des besoins de Maslow, établie dès 1943 et complétée au fil de ses recherches et des années, a le mérite d’établir une cartographie générale des besoins que tout individu rencontre dans sa vie. Besoins qu’il va tenter de satisfaire. Pour les besoins primaires, cela semble évident. Ce sont des besoins physiologiques : manger et boire, éliminer, dormir. Tant que l’on n’a pas de quoi manger, il semble difficile de se consacrer à un quelconque épanouissement personnel. Idem pour les besoins de sécurité. La sécurité est représentée par le fait d’avoir un travail pour vivre, un toit pour se loger, l’accès aux soins si on est malade, une vieillesse protégée.

 

Dans les sociétés occidentales, ces réalités furent l’objet de luttes sociales qui ont débouché sur la prise en charge collective des personnes fragilisées, ceci par l’intermédiaire des caisses de solidarité [le minimex, le chômage, les pensions, la mutuelle].

 

 

 

Les besoins liés au dépassement de soi : Le transpersonnel

 

Satisfaire les besoins de réalisation de soi en étant bien dans sa peau, avec l’idéal de s’épanouir totalement, développer ses dons et ses pouvoirs fut pendant des années considéré comme le «nec plus ultra», le top du top. Et c’est important. Mais il semble que ce ne soit pas suffisant. Du développement personnel, centré sur la réalisation personnelle, on passe au transpersonnel, qui dépasse la réalisation personnelle. C’est ici qu’interviennent les besoins liés au dépassement de soi.

 

Le dépassement de soi, c’est le fait d’aller au-delà de son propre intérêt égoïste, c’est se situer dans un dé- passement par rapport à ses intérêts, c’est être dans le don gratuit, c’est se placer au niveau du collectif. Mais c’est surtout, et en premier lieu, avoir besoin de transcendance. 

 

Les besoins d’intégration et d’estime

 

 

Avec les besoins d’intégration, on entre dans une dimension plus psychologique : l’homme est un animal grégaire, qui a besoin non seulement de faire partie d’un groupe, mais aussi d’être intégré et reconnu par ce groupe. Idem avec les besoins d’estime. L’être humain a besoin de l’estime des autres. C’est d’abord l’estime des parents, du conjoint, des enfants, des amis. Mais c’est aussi le respect manifesté par les collègues, les voisins, et plus généralement de la part de toute personne avec qui il entre en contact. Et in fine, c’est l’estime de soi. Il est évidemment plus aisé de s’estimer soi-même lorsque l’on est soutenu par l’estime des autres. Mais celle-ci n’est pas absolument nécessaire. Car l’estime de soi peut amener à se positionner de façon tout à fait inédite par rapport à la majorité ou au groupe. En effet, s’estimer équivaut à ne pas trahir son sens personnel de l’éthique, c’est être en paix avec sa conscience. Bref, c’est ce qui fait que l’on peut se regarder sans rougir dans un miroir.

 

 

 

Les besoins de réalisation de soi

 

Avec les besoins liés à la réalisation de soi, on franchit un autre cap. Il s’agit de s’épanouir dans son individualité, de se réaliser pleinement, de «s’individuer» - pour reprendre une expression jungienne.

Jusque dans les années 50, cette réalisation passait avant tout par une réussite professionnelle. Mais ici - et c’est nouveau - il s’agit aussi d’une réalisation psychologique qui peut passer par une forme de psychothérapie courte ou moyennement longue, individuelle ou en groupe. Ces nouvelles formes de psychothérapie permettent de se réparer.

Mais se réparer ne suffit pas.

Le domaine intérieur est plus vaste : il contient des potentiels immenses qui ne demandent qu’à être développés.

 

C’est l’objectif du «Mouvement du potentiel humain» né durant les années 60. Esalen et le développement du potentiel humain.

 

En 1962, alors qu’il revient d’un long séjour en Inde, le psychologue Michaël Murphy hérite d’une propriété superbe sise à proximité de Big Sur, village-phare de la bohème artistique californienne, situé entre San Francisco et Los Angeles. Cette propriété, il lui donne le nom d’«ESALEN», du nom des Indiens vivant jadis dans la région et ayant été décimés. Autre nom d’Esalen : le «Centre du développement du potentiel humain».

 

Ce nom contient à lui seul tout le projet qui sous-tend le développement personnel : développer le potentiel humain. Potentiel qui comprend des facultés encore ignorées et non exploitées par la plupart des individus. Le Centre Esalen a connu un succès remarquable, notamment grâce à la révolution hippie particulièrement vivifiante et novatrice. A Esalen, on vit des personnalités célèbres représentant des tendances qui forment l’actuel développement, même si celui-ci s’est enrichi au fil des ans de nombreuses nouvelles approches intéressantes.

 

 

Ainsi : Marcuse, Wilhem Reich, Perls, le père de la «Gestalt thérapie», Will Schutz et les groupes de rencontres, les thérapies familiales avec Virginia Sapir, Alexander Lowen et la bioénergie, John Lily et les caissons d’isolation sensorielle, Gregory Bateson et l’école Palo Alto, Eric Berne et l’analyse transactionnelle, et bien d’autres encore… 

 

Des expériences spontanées

 

 

Tous les dépassements par rapport à ses propres intérêts égoïstes s’originent dans le besoin de transcendance. C’est ce qui ressort d’une enquête que Maslow effectua en 1969, où il pose la question : «Quel est le moment le plus important de votre vie, l’instant inoubliable ?» Les réponses furent parlantes. Ce que les personnes considèrent comme une expérience inoubliable, c’est une illumination soudaine de la conscience. Maslow parle à ce propos de «peak experience» que l’on peut traduire par «expérience des sommets». Cette expérience peut se vivre à travers une multitude de situations : en pratiquant un sport, en jardinant, en traversant une maladie, un deuil, en contemplant la nature, en écoutant de la musique… Quand survient cette expérience, les peurs et les anxiétés disparaissent, la personne éprouve paix et joie, et ressent que la vie a un sens. Elle est, durant un moment, plongée dans l’instant présent, dégagée de l’ego conditionné par le temps et l’espace.

La «peak experience», est soudaine et inattendue. Elle se produit spontanément. Mais il se peut qu’un certain état d’esprit l’ait favorisée.

 

Ne préjugeons pas de ce qui fait qu’à un certain moment, on soit «désencombré», dans un état de grande réceptivité intérieure.

 

La réceptivité peut venir d’une pratique de méditation, mais aussi d’un grand chagrin qui fait que, tout à coup, le mental et l’ego décrochent !

L’expérience transpersonnelle telle que la «peak-experience» est une expérience spontanée et ne doit pas être confondue avec l’état transpersonnel qui s’installe dans le temps et qui est la conséquence d’une pratique continue.

Dès la fondation du mouvement transpersonnel aux USA, de nouvelles psychothérapies sont apparues, dont certaines semblent favoriser des expériences où la personne se sent tout à coup libérée de l’ego.

Ainsi Stanislav Grof a recensé 26 types d’expériences auxquelles il a donné le nom de «transpersonnelles». Pour intenses qu’elles semblent être, ces expériences, pour être réellement porteuses d’une transformation, se doivent d’être intégrées dans un processus global. Sinon, elles ne restent qu’expériences isolées sans réelle intégration.

 

 

 

D’où perçoit-on la réalité ?

 

Le transpersonnel fait donc référence à ce qui va au-delà du personnel et des jeux de l’ego qui y sont habituellement associés. Il concerne la quête d’un état de conscience modifié. Que recouvrent les mots «états de conscience» si souvent employés ? Ce qu’ils veulent dire, c’est que nous percevons la réalité à un certain niveau. Des classifications très fines ont été faites pour recenser les différents états de conscience, notamment dans la pensée traditionnelle indienne ou par des psychothérapeutes modernes comme Stanislav Grof.

 

Le dénominateur commun de ces approches est le rapport à l’intériorité.   D’où perçoit-on la réalité ? On perçoit la réalité à partir d’un espace intérieur plus ou moins «intérieur». Certains perçoivent la réalité à partir de couches très extérieures de leur conscience, d’autres à partir de couches plus intérieures. Entre le plus extérieur et le plus intérieur, tous les degrés sont possibles. Pour les personnes qui sont attirées par une quête spirituelle, aller vers le « plus intérieur » est une démarche. Et c’est une démarche qui prend généralement du temps. On se demande même si une vie toute entière y suffit… 

Le but final de cette démarche est de vivre dans un état de conscience qu’il n’est pas aisé de définir. Ainsi en est il de l’expérience spirituelle. En effet, tous les chercheurs spirituels témoignent de la grande difficulté à rendre compte de leur expérience. La spiritualité a pour objectif, depuis l’aube des temps, à vivre sa vie en étant connecté à une réalité qui, dans les profondeurs de l’identité humaine, la transcende, réalité qui, selon les époques et les cultures, prend des noms différents : l’âme, l’Atman, le Nirvana, la Nature du Bouddha, le Soi… Or, l’approche transpersonnelle vise à tenir compte de cette réalité et, ce faisant, elle réinjecte un sens spirituel à nos vies.

 

L’approche transpersonnelle : une expérience personnelle du sacré

 

Le transpersonnel a donc pour quête la vie vécue à un niveau de conscience modifié. Vivre à ce niveau de conscience change évidemment le rapport à la réalité. Dans la conscience ordinaire, nous sommes limités par notre cadre de références. Nous sommes limités par ce que nous connaissons et que nous essayons de reproduire sans cesse. Vivre à un niveau de conscience modifié est, au contraire, un état où l’on est libéré de ce cadre de références. Vivre à un niveau de conscience modifié s’apparente à « se libérer du connu », pour reprendre le titre si significatif d’un livre de Krishnamurti. Quelques grands noms européens sont associés à cette découverte : Jung et la psychologie analytique bien sûr qui, le premier, utilisa le terme «Uberpersonlich», K.G. Dürckheim et la thérapie initiatique avec l’assise silencieuse, le retour au hara, la leibthérapie, Frankl et la logothérapie, Roberto Assagioli et la psychosynthèse, Robert Desoille et le rêve éveillé.

En Europe, plusieurs congrès européens autour du transpersonnel ont eu lieu, dont l’un à Bruxelles en 1984. Puis, il y eut la fondation d’Eurotas en 1987 [European Transpersonal Association].

 

Bref, des rencontres, des réflexions, des confrontations, d’où il ressort clairement que

(1) : - le transpersonnel n’est pas un ensemble de techniques volontaristes produisant automatiquement leur effet, techniques qui vont plutôt dans le sens du développement de l’ego.

(2) : - le modèle du transpersonnel se trouve dans l’expérience des mystiques de toutes les religions. L’approche transpersonnelle vise donc à donner une place à la composante spirituelle de l’individu. Lorsqu’une personne s’approche de sa dimension sacrée, ce que Jung appelle le «numineux», elle fait une démarche profondément thérapeutique. Aussi l’approche transpersonnelle relève t-elle d’une démarche spirituelle. Le transpersonnel est évidemment en phase avec les démarches spirituelles d’antan. Non pas par adhésion à leurs techniques, leurs voies ou leurs dogmes. Ce que le transpersonnel vise, c’est l’expérience personnelle du Sacré, expérience commune à tous les mystiques. La psychothérapie à orientation transpersonnelle intègre donc comme donnée fondamentale du processus de croissance, la composante sacrée de l’individu.

 

 

 

Distinction entre le paranormal et le transpersonnel

 

 Roberto Assagioli fait très justement une distinction entre ce qui relève des pouvoirs paranormaux et du transpersonnel. Il arrive qu’une personne développe des pouvoirs télépathiques, de voyance, de clairaudience, d’endurance extrême au froid ou à la chaleur. Ou encore qu’elle entre en communication avec d’autres mondes par l’intermédiaire d’entités, ou qu’elle ait des visions, ou entende des musiques et des sons célestes. Or, ces expériences, si elles sont gratifiantes car vécues comme exceptionnelles, ne sont pas nécessairement transpersonnelles. Elles peuvent même constituer un obstacle.

 

 

En effet, dit Roberto Assagioli dans son livre «Psychosynthèse», «on confond trop supraconscient et transpersonnel. (…) L’individu est tellement fasciné par les merveilles du royaume du supraconscient, si absorbé par elles, si identifié avec certains aspects ou certaines manifestations de ce domaine, que son aspiration vers le sommet de la réalisation spirituelle s’en trouve détournée ou entravée.»

[in «Du développement personnel au transpersonnel», de M.A. Descamps, Editions Alphée].

 

Le développement personnel Le besoin de réalisation de soi, tel qu’il est décrit dans la pyramide des besoins de Maslow correspond au besoin de participer au monde et d’y apporter sa contribution, selon sa personnalité. Et, en effet, quoi de plus sain que de parvenir à exprimer ses qualités en les faisant devenir des aptitudes sur le plan extérieur ? Mais ce n’est cependant pas si simple. Certaines personnes n’arrivent pas à trouver leur voie. D’autres ont besoin d’un lieu pour s’exprimer profondément, telles qu’elles se perçoivent. D’autres encore veulent se doter de certains outils pour favoriser une détente, pour se sentir «bien dans leur peau», pour gérer leur stress, pour lever les obstacles à l’épanouissement. Pour ces personnes, les ateliers de développement personnel, en dehors d’une perspective transpersonnelle, sont extrêmement féconds.   

 

 

Sur ce chemin, il est très utile de se réaliser tel que l’on est. Il est utile de s’accepter tel que l’on est, de s’exprimer et de se sentir reconnu. Pourquoi ? Simplement parce que l’on se sent alors comblé dans son désir. Et il s’agit d’un désir légitime : celui de s’individuer. Quand une personne se réalise personnellement, quand elle réussit à s’exprimer dans le domaine pour laquelle elle se sent faite, cette personne se sent bien, tout simplement. Et dans la sensibilité contemporaine, c’est important de se sentir bien.

C’est même devenu quelquefois un peu trop important, comme si la vie ne devait se décliner qu’à l’aulne d’une satisfaction permanente, ce qui est évidemment une illusion. D’étapes en étapes S’épanouir personnellement, c’est d’abord et avant tout s’épanouir selon sa propre nature. Saint Exupéry raconte la tristesse des gazelles emprisonnées derrière leur grillage dans un village de Mauritanie. Ces gazelles se laissaient mourir parce qu’elles ne pouvaient pas courir à travers les collines. Même si elles risquaient le coup de patte mortel du lion, elles préféraient la liberté. Car, c’est dans la nature des gazelles de courir, même si c’est une course éperdue face au danger de mort que représente le lion… [cette histoire est reprise par Stan Rougier].

 

Faisons que nature s’épanouisse dans notre vie, même si cet épanouissement rend atypique notre parcours aux yeux d’autrui. Lorsque qu’une personne s’épanouit personnellement, elle peut plus facilement passer des caps. Une pomme tombe de l’arbre lorsqu’elle est mûre. Ainsi en est-il des désirs importants. Ils se détachent de nous dès qu’ils sont satisfaits. Autrement dit, le détachement par rapport aux besoins de l’ego est facilité lorsque le désir est satisfait. Satisfait, le désir meurt. Et l’on peut ainsi passer à l’étape suivante.

Brûler les étapes ne sert donc à rien. Tant que nous avons envie d’agir, de créer, d’entreprendre, il ne sert à rien de se restreindre. Se forcer à être détaché contribue seulement à se figer. Comme l’exprime le sage Chandra Swami, l’abandon de l’ego apparaît quand on a épuisé toute son énergie d’une façon positive. Cet abandon ne peut se produire tant qu’il y a de l’énergie à donner : «Ne vous préoccupez pas d’abandon, faites le meilleur usage de toutes vos énergies, avec tout ce qui vous a été donné : votre corps, votre esprit, votre richesse, votre position sociale, etc. Tant qu’une petite parcelle d’énergie sera laissée de côté sans avoir été utilisée, l’abandon ne pourra se produire.»

 

 

 

Personnel et transpersonnel

 

La question du non-attachement à l’ego reste évidemment la question que se posent bon nombre de personnes. Entre le personnel et le transpersonnel, où se situer ? Il est peut-être utile de replacer cette question dans un processus et une vision globale. Tout développement implique un processus. Un chemin. Un itinéraire. Du temps. A moins d’être né saint, boddhisattva, ou dans l’état de Bouddha. Ce n’est sans doute pas notre cas, ni à moi, ni à vous [à moins que…]. Dès lors, nous voici en chemin. Et ce chemin, souvent sinueux, est composé de différentes périodes de vies et d’étapes. On avance et au fur et à mesure de cet avancement, les expériences se font et nous dépouillent. On avance par identifications successives. Ou plutôt par désentifications.

 

Au départ de notre vie, le «je» s’identifie à ses réactions par rapport aux valeurs des parents. Puis, par rapport à un groupe d’amis, au milieu du travail, à la famille, à un idéal, et ainsi de suite. En chemin, peut arriver la sensation que quelque chose de plus vaste nous meut, quelque chose de moins événementiel, de moins psychologique. Chacun, à travers son histoire et sa vie singulières, est appelé à se rendre compte que son «je» est déposé au creux d’une dimension intérieure plus vaste. Laisser cette dimension intérieure plus vaste donner l’impulsion à nos actions et nos pensées et à l’ensemble de notre être est une démarche transpersonnelle. Le personnel est alors habité par le transpersonnel.

 

 

 

L’ego-trip spirituel

 

Mais attention, l’ego-trip peut malheureusement sévir dans les groupes de développement personnel et transpersonnel. L’ego trip consiste simplement à prendre naïvement la quête de l’ego pour la quête de l’âme. Dès que l’on se sent devenir prétentieux, l’ego-trip est là. Dès que l’on se croit supérieur aux autres, c’est l’ego-trip. Dès que l’on se croit un «maître», attention ! C’est ce qu’exprime très justement Chôgyam Trungpa, cité par Joy Manné [voir «Livres» en fin d’article] : «Nombreuses sont les routes secondaires qui conduisent à une version biaisée de la spiritualité centrée sur l’ego. On peut ainsi se leurrer et croire que l’on se développe spirituellement alors que l’on ne fait que renforcer son égocentrisme au moyen de techniques spirituelles.»

 

En s’attachant au développement des «pouvoirs» quels qu’ils soient, c’est aux moyens que l’on s’attache. On prend alors les moyens pour le but. Il n’y a aucun sentiment de supériorité à éprouver par rapport aux autres du fait de se tenir assis et parfaitement droit en méditation, ou de pratiquer correctement un enchaînement de taï chi, ou de faire parfaitement telle ou telle posture de yoga, ou de pratiquer parfaitement tout autre exercice.

 

Il se peut que, grâce à ces pratiques, certaines personnes accroissent leurs pouvoirs psychiques et physiques. Mais quelle importance ? Ce ne sont que formes. Ce ne sont que développement de certaines compétences. On peut être très dé- veloppé physiquement et fort psychiquement, et avoir le cœur et l’âme racornis.

 

 

 

Un regard qui s’origine dans ce qui le dépasse

 

C’est dans le quotidien que tout se joue. Dans le tissu imparfait du quotidien. Jacques Castermane, disciple de Dürckheim dit que «nous sommes, dans notre recherche spirituelle, habités par une fausse peur : celle de voir en tant qu’homme, celle de sentir en tant qu’homme, celle d’entendre en tant qu’homme». Autrement dit, nous ne sommes pas des anges, mais ce corps en train de tousser, de manger, de marcher. Nous sommes cette respiration courte ou longue. Nous sommes ces paroles que nous disons à autrui. Et nous sommes aussi ce qui a la capacité en nous d’observer toutes ces choses que nous faisons, pensons, sentons. Et nous sommes aussi tissés de tout ce qui fait le mystère de toutes ces choses. C’est là que l’on peut s’observer. La transcendance n’est pas à rechercher ailleurs que là où nous sommes. Elle n’est pas ailleurs que là où nous nous trouvons. Nous ne nous perdrons pas dans les nébuleuses si nous vivons le quotidien. C’est dans le quotidien que nous pouvons espérer peu à peu tout au long de notre vie affûter notre regard afin que, débarrassé de ses œillères, il s’origine dans ce qui le dépasse, dans ce qui est transpersonnel. "

Marie-Andrée Delhamende

 

 

 

 Source Agenda Plus.be

 1. cfr : www.europsy.org/aft 2. in Terre du Ciel #52, mai 2000 Livres - Vers une psychologie de l’être », A. Maslow, éd. Fayard - «Le développement de la personne » Carl Rogers, éditions Dunod - «Psychosynthèse», Roberto Assagioli - «De la thérapie de l’ego à la quête de l’âme», Joy Manné, Editions Jouvence - «Pratique de la voie tibétaine : au-delà du matérialisme spirituel», Chogyam Trüngpa, Editions du Seuil - «Dialogue sur le chemin initiatique», K.G. Dürckheim.