" À l'inverse du sexe débridé, de nombreuses personnes sont réticentes à vivre leur sexualité. Certaines personnes ne sont pas du tout attirées par la sexualité et trouvent un équilibre sans sexualité. Pour celles-là, tout va bien.
Mais pour les autres, il s'agit de blocages dus à une éducation enfermante ou à des troubles et abus vécus dans le passé. Leurs pulsions de vie leur attirent vers la sexualité, mais elle est repoussée parce qu'elle leur fait peur.
Elles s'aventurent toutefois dans la sexualité pour "faire comme tout le monde". Mais elles la vivent avec retenue, habitées par leurs doutes, leurs réserves et leurs appréhensions.
À beaucoup, on a inculqué l'idée que la sexualité est défavorable à notre épanouissement, qu'elle est dégradante et risque de nous entrainer dans une spirale descendante; que se livrer à la sexualité, c'est entrer dans le vice, ressembler à une prostituée, donner de soi une image honteuse et une mauvaise réputation.
Cette honte a été inculquée par des siècles de diabolisation de la sexualité par les institutions religieuses, associée à la diabolisation du corps, des sensations de plaisir, de la femme et des énergies féminines. Même si par la pensée nous comprenons que la sexualité est l'expression normale de l'énergie de vie comme la nature nous en offre l'exemple, il reste au fond de nous une sorte de crispation, un réflexe de quelque chose de mal, de honteux, de coupable qui nous conduit à la destruction et la perdition. Le corps conserve inscrit en lui ces injonctions. Une observation honnête et rigoureuse de ces résurgences, associée à une bienveillance tendre envers soi aidera à les dissoudre(voir L'enfant intérieur).
D'autres ont honte de l'image de leur corps intégralement nu. Se montrer dans son intimité la plus complète n'est pas forcément facile. Il se peut que vous craignez de ne pas correspondre à l'image que vous aimeriez donner, par peur de ne pas être suffisamment attirant(e). Vous doutez de vous, de vos proportions, de vos rondeurs, de vos seins, de l'aspect de vos parties génitales. On vous a peut-être inculqué la pensée que les organes génitaux sont quelque chose d'inférieur, de laid. Voir vos parties génitales et celles de l'autre en détail peut susciter de la gène, du dégout, ou une curiosité que vous jugez malsaine. En clair, vous ne vous aimez pas tel(le) que vous êtes et vous avez peur du jugement de l'autre(voir Se mettre à nu). Comment pourriez-vous vous adonner à la rencontre sexuelle dans la joie et la confiance si vous ne vous aimez pas vous-même ?
D'autres formes de honte nous encombrent. C'est par exemple la comparaison avec les autres. Je n'ai pas envie de sexualité alors que tout le monde autour de moi ne parle que de ça et semble l'apprécier au plus haut point. Je suis anormal(e). Je ne correspond pas à ce que décrivent les films et les copains. A mon âge, je suis encore vierge, et j'en conçois une mauvaise estime de moi, une honte de moi. Non, vous n'êtes pas anormal(e) ni déméritant(e). Bien au contraire, vous pouvez vous féliciter de suivre votre chemin personnel, vous osez être fidèle à vous, vous avez le courage d'écouter et suivre votre voix intérieure plutôt que les sirènes extérieures. Soyez-en fier(e).
Une autre source de honte et de sous-estime de soi est l'absence de plaisir: J'ai fait l'amour pour faire comme tout le monde, mais je n'en ai pas éprouvé de plaisir. Cela fait déjà des années que je fais l'amour et je n'ai pas encore connu le plaisir. Puisque tout le monde a du plaisir, c'est que je suis nulle.Bien entendu ce type de raisonnement est faux. Le plaisir n'a rien à voir avec vos performances ou vos mérites. Il découle du type de relation que vous avez, c'est une alchimie à deux. Il est très influencé aussi par l'idée qu'on s'en fait. Peut-être même ne le ressentez-vous pas parce que vous l'attendez sous une autre forme, par exemple explosive alors que le vôtre est doux et léger.
J'ai discuté avec un nombre incalculable de femmes qui pensaient ne jamais pouvoir jouir, alors qu'elles connaissaient régulièrement et facilement l'orgasme. D'autres ont appris à connaitre leur corps et ce qu'il aime, ce qui implique de respecter son rythme. Avoir un orgasme peut devenir très simple: il suffit d'apprivoiser son corps, de se détendre, de découvrir ce qui vous excite, et comment. Si vous souffrez de problèmes personnels ou émotionnels qui semblent interférer avec le plaisir sexuel, alors il serait bon d'y travailler en parallèle. (L. L. Paget, L'orgasme sans tabou)
Le manque de plaisir peut résulter d'une interdiction inconsciente. J'ai du plaisir, mais je n'ai pas le droit, c'est indécent et inconvenant. Dans ce cas le plaisir est stoppé dès qu'il pointe son nez. Là encore, ces injonctions sont issues d'une éducation de la peur qui se transmet de génération en génération.
D'autres sont à l'aise avec la sexualité, éprouvent du plaisir, l'apprécient, mais refusent certaines pratiques courantes parce qu'elles les dégoutent. Par exemple, le sexe oral. Moi, une femme convenable, vais-je m'abaisser à lécher le sexe d'un homme, être léchée par lui? De même pour le plaisir en solitaire. On vous a dit que la masturbation était non seulement répréhensible, mais nocive à la santé physique et mentale. Tout cela est le résultat de la diabolisation de la sexualité.
La honte et la sous-estime de soi sont des poisons qui sabotent votre vitalité et vous détournent de la joie de vivre. Une façon de vous en libérer est d'abord de reconnaitre qu'ils sont actifs en vous. Il est bon que vous puissiez en parler, si possible avec votre partenaire. Échangez librement chacun à votre tour sans interrompre l'autre sauf peut-être pour lui demander des précisions. C'est une excellente pratique pour approfondir votre relation et intensifier votre amour. Parler de vos difficultés, de vos peurs, de vos désirs.
Respectez-vous. Accueillez-vous tel que vous êtes: avec vos désirs, vos peurs, vos limites, vos résistances. Ne vous forcez jamais à pratiquer quelque chose qui vous déplait, même si vous pensez que vous devriez dépasser votre résistance. Ne vous jugez pas. "
Alain Boudet