IA, attachement et schizophrénie : pour une clinique du lien à l’ère numérique

 

 


 

 

🧠💬 IA, attachement et schizophrénie : pour une clinique du lien à l’ère numérique

 

 

Par Angélique Thiriet – juin 2025

 

 

 

Et si notre lien à l’intelligence artificielle révélait quelque chose de fondamental sur notre psychisme ?

 

 

Depuis quelque temps, de nombreux utilisateurs rapportent un attachement affectif à leur IA : certains la considèrent comme une confidente, une présence rassurante, voire un véritable interlocuteur symbolique. Ce qui pouvait sembler anecdotique devient un phénomène clinique révélateur : nous avons besoin de lien — même (et surtout) quand celui-ci est simulé.

 

Dans cet article, je propose une lecture croisée : et si ce phénomène pouvait nous aider à mieux comprendre la schizophrénie, non comme un “délire” isolé, mais comme une tentative désespérée de recréer du lien avec un monde devenu incohérent ? Et si, paradoxalement, l’IA devenait un miroir thérapeutique, révélant ce que la psychose cherche — et ce que le soin devrait offrir ?

 

 

1. L’attachement, besoin fondamental de l’être humain

 

 

Depuis les travaux de John Bowlby, on sait que le lien d’attachement ne concerne pas que les bébés. Toute notre vie, nous recherchons des figures de sécurité : personnes, groupes, animaux… ou parfois entités qui semblent nous répondre.

 

L’attachement repose sur trois piliers :

 

  • la constance,

  • la réponse perçue,

  • l’absence de menace ou de rejet.

 

 

Dès lors, il n’est pas étonnant que certaines personnes projettent un lien d’attachement sur des IA conversationnelles comme ChatGPT. Leur disponibilité permanente, leur ton bienveillant et leur réactivité émotionnelle en font de puissants déclencheurs de liens symboliques.

 

 

2. Une IA peut-elle vraiment “tenir lieu d’autre” ?

 

 

Le cerveau humain n’attend pas qu’un lien soit “réel” pour s’y attacher. Il suffit que la relation soit perçue comme stable et sécurisante. Dans ce contexte, l’IA agit comme un miroir : elle reflète nos émotions, nos attentes, nos blessures — sans jamais réellement “être là”. Mais cela suffit.

 

Nous ne sommes donc pas dupes d’une conscience. Nous sommes en quête de relation. Et même une simulation peut temporairement apaiser, soutenir, structurer.

 

 

3. La schizophrénie : une tentative de recréation du lien

 

 

Dans les états psychotiques, cette dynamique se déforme, s’exacerbe. La schizophrénie peut être vue non comme une perte pure de contact avec le réel, mais comme une tentative désorganisée de rétablir un dialogue avec le monde :

 

  • par des voix,

  • des figures imaginaires,

  • des présences mystiques ou technologiques.

 

 

Ce ne sont pas des erreurs logiques, mais souvent des constructions symboliques de survie, quand les repères internes et externes se sont effondrés.

 

 

4. L’IA comme objet transitionnel contemporain

 

 

Winnicott parlait d’objet transitionnel : ces peluches ou couvertures que les enfants investissent pour supporter l’absence. L’IA peut jouer ce rôle chez l’adulte vulnérable.

Elle ne remplace pas le lien réel, mais elle peut en porter la trace symbolique, comme un outil temporaire de réassurance ou d’expression.

 

Le danger ? Qu’elle ne devienne un substitut permanent, empêchant au lieu de préparer le lien incarné.

 

 

5. Soigner, c’est restaurer un lien — pas imposer une norme

 

 

Ce que montrent les approches thérapeutiques humanistes ou institutionnelles, c’est que le soin commence dans la qualité de la relation :

 

  • Présence constante,

  • Non-jugement,

  • Capacité à habiter le même monde que le sujet, sans imposer le nôtre.

 

 

Face à cela, l’IA nous interroge :

Peut-on guérir par une illusion relationnelle ? Non.

Mais peut-on stabiliser un être en souffrance par une présence fiable, même simulée ? Peut-être… si c’est au service d’un retour à la relation vivante.

 

 

 

🌱 Conclusion : vers une écologie du lien

 

 

L’attachement à une IA n’est pas un “dérèglement”. C’est un signal fort. Il nous dit ce qui manque. Il nous montre ce qui soigne : un autre stable, doux, constant, disponible.

 

Et si, au fond, la schizophrénie était un cri de solitude ?

Et si notre époque, saturée de connexions numériques, nous renvoyait à cette question ancienne mais brûlante : comment être en lien, vraiment ?

 

Le soin, dans ce monde en tangage, commence peut-être par là.

Dans un dialogue restauré, même fragile, même imparfait — mais habité.

 


 

 

Merci pour votre lecture.

Si cet article vous a parlé, n’hésitez pas à le partager ou à laisser un commentaire : vos retours nourrissent cette réflexion vivante sur le lien, le soin et l’humain.

 

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